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Becoming Karl Lagerfeld

  • Photo du rédacteur: Candice Metzger
    Candice Metzger
  • 15 juin 2024
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 nov. 2024


Paris, les années 70.

Où la liberté se savoure.

Où la ville s’éveille à la tombée du jour.

Où les lumières tamisées des bars dissimulent des caresses passionnées.


Où entre deux verres, les esprits repensent le monde.


C’est dans cette ville en effervescence que se déroule la nouvelle série Becoming Karl Lagerfeld, sur Disney +. Adaptation de la biographie Kaiser Karl de la journaliste Raphaëlle Bacqué, cette mini-série se consacre à la vie de Lagerfeld bien avant qu'il ne devienne directeur artistique de Chanel. Quand Karl n’était pas encore une silhouette, un mystère dont il est impossible de percer les secrets. Seulement un homme, déterminé à marquer l’histoire.


On peut s’interroger sur la mise en lumière d’un tel personnage, connu pour ses propos problématiques. Mais en plus d'une mise en scène soignée et d'un jeu d'acteur d'une belle délicatesse, Becoming Karl Lagerfeld peut se targuer de ne pas idéaliser son héros et d'en occulter ses erreurs. On y voit un homme, dont l'ambition dévorante peut parfois le pousser sur de sombres chemins. Faisant des promesses qu'il ne tiendra pas. Trahissant de vielles amitiés sans le moindre remord. Même Jacques de Bascher, grand amour de sa vie, n'en sera pas épargné.


Deux hommes en costumes se font face

Becoming Karl Lagerfeld démarre en 1972, suite au décès de Coco Chanel. La capitale devient alors théâtre de la rivalité qui oppose deux génies de la couture : Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent. Deux hommes à l’extrême, dans leur créativité, leur vie, leur soif de reconnaissance. De Saint Laurent on dit que l’on retient l’œuvre ; de Lagerfeld on retient le personnage, l’icône. L’amitié et la rivalité s’entremêlent entre eux deux, toujours plus complexes à mesure des années, parfois scandaleuses. Guidées par les affres de la passion, celle de la mode mais aussi celle du cœur.


Loulou de La Falaise, Pierre Bergé, Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, Francine Crescent… Paris est jeu de promesse et de jalousie, d'admiration et de dédain pour ces grands noms de la mode. Pour qui cette dernière a une signification bien particulière.


Une femme parle avec deux hommes

Pour Paloma Picasso, muse et amie des deux rivaux, la mode est une armure, une protection bienvenue contre les douleurs personnelles. Elle qui a débuté sa vie avec un père célèbre qui avait pourtant refusé de la reconnaître, avançait avec le désir ardent d’être vue. La femme d'affaires et créatrice pour Tiffany & Co s’est créée une place dans les hautes sphères de la mode avec un style vintage, très affirmé et extravagant, inspiré des années 40. Un style avant-gardiste, qui ne se faisait pas du tout en 70, et qui a d’ailleurs beaucoup inspiré Yves Saint Laurent. On pense à sa collection Libération, qui a été présentée lors d'un défilé en 1971 et qui avait fait scandale à l’époque.


Pour Saint Laurent, la mode devient lentement une prison, à mesure que l'on découvre une facette plus sombre de lui. Un mal-être étouffant, qui le guide vers un chemin de vices au point de s’y perdre soi-même. Miroir du personnage et de ses complexités, les costumes d'Yves furent les plus difficiles à créer pour Pascaline Chavanne, la costumière de la série.


Pour Jacques de Bascher, grand amour du créateur allemand, la mode est l'excès, la passion.

Un dandy élégant et raffiné, le jeune provincial qui débarque à Paris au tout début des années 70 et qui souhaite se lancer dans le monde. Celui qui désire se jeter dans la vie pleinement. Qui veut tout vivre, tout voir, tout découvrir. Une grande influence sur Karl Lagerfeld et sa créativité, car il représentait un idéal de beauté, une muse. Pour Pascaline Chavanne, il était nécessaire d’accorder une vraie place aux costumes du jeune homme, reflétant le rôle important qu'il a eu dans la vie de Karl. On le voit aussi porter une veste qui reflète ses idées royalistes, sur laquelle y est inscrit "Dieu et le Roy". Des pièces très fortes dans Becoming Karl Lagerfeld, qui témoignent de son caractère effronté et de son envie d'être vu. Pour son premier rendez-vous avec le créateur, il mise sur l’audace en se présentant en habits bavarois, avec des influences prussiennes, dans l'espoir d'impressionner le créateur.



Karl et Jacques, deux extrêmes qui parviennent à se retrouver, dans de rares moments, à mi-chemin. Une union qui dépasse l’amour et l’amitié. Où à travers Jacques, Karl effleure ce qu'est la vie, sans jamais s'y abandonner complètement. Où à travers Karl, Jacques effleure les hautes sphères de la création, sans jamais y appartenir vraiment.


Enfin, Karl Lagerfeld. Mercenaire puis Kaiser. Celui pour qui la mode est toute sa vie. Pour la costumière de la série, le défi était de taille. “ Pour moi, le gros challenge, c'était de montrer le Karl Lagerfeld que personne ne connaît. Celui qui travaille d'abord chez Chloé et Fendi avant d'être directeur artistique de Chanel. ”

Becoming Karl Lagerfeld, c’est avant tout l’histoire d’un homme qui se cherche. D’un homme en quête de gloire. Un homme, une légende en devenir. Bien loin de l’idée qu’on a du Kaiser de la mode. “ On a tous l'image de la figure un peu logo du couturier en noir et blanc, avec le catogan, le costume, les mitaines et les bijoux. Mais à cette époque, il porte des chemises assez bariolées, par exemple. Il s'est essayé à plusieurs styles avant d'en arriver à cette silhouette iconique. ”

Pour constituer sa garde-robe, il fallait comprendre qui était Karl avant de devenir Lagerfeld. Par la série, le spectateur comprend son rapport particulier à son propre corps, notamment par via la scène du corset, par lequel il se construit une silhouette idéalisée. Chavanne indique avoir confectionné ses costumes pour qu’ils soient un peu trop serrés, comme le créateur les portait. Un symbole de cette pression qu’il s’infligeait à lui-même, cette volonté d’être plus parfait qu'il ne l’était. On découvre alors un homme quelque peu perdu, entre deux temps. Il évolue dans les années 70, période de libération et changement, et pourtant, il s’accroche à ce monde qu’il imagine. Une inspiration très rococo, à mi-chemin entre le 18ème et le 19ème, où le beau est soumis à des règles strictes et toujours en quête de perfection. Ce corset, bien que visible seulement quelques secondes, est pourtant un clin d'œil annonciateur de l’uniforme qu’on lui connaît tous.


Karl Lagerfeld. Un paradoxe. Une silhouette que le monde connaît et pourtant, une vie qu’il s’est amusé à réécrire au gré de ses envies. De quoi donner du fil à retordre pour l'équipe des costumes. Quelques petits films allemands des défilés de Karl, ont pu donner un aperçu de ses costumes d’alors. Pascaline a également raconté s’être inspirée de plusieurs ouvrages : Beautiful People: Saint Laurent de son ami Philippe Heurtault ou encore Lagerfeld : splendeurs et misères de la mode d’Alicia Drake.


Becoming Karl Largerfeld, c'est aussi la façon de capturer l’essence de la mode : les chemises Hilditch & Key et les tailleurs débonnaires de Karl, les collections de défilés de Chloé, ou l'appartement remarquable de Saint Laurent sur la Rive Gauche. Une plongée dans le passé, qui s’est faîte grâce au travail titanesque de Chavanne et de son équipe dans les archives. De nombreuses photos et encore davantage de documentaires. La série ne se veut pas être une copie conforme, mais plutôt le reflet d'un état d’esprit, d’un art de vivre. Raconter la vie parisienne qui gravitait autour de lui, dans le milieu de la mode des années 70. Cette atmosphère nocturne vibrante, vivante, changeante, qui fut source d'inspiration pour lui. Montrer l’influence du pop art des années 60 par la chemise Chloé très colorée qu’il porte au début. Personne n’aurait pu l’imaginer dans cette tenue. Et pourtant il l’a portée, affirme Chavanne.



Une femme en robe rouge, avec deux hommes

On peut que saluer le sens du détail de la costumière. La reproduction du mariage entre Paloma Picasso et le metteur en scène Rafael Lopez-Sanchez, en est le parfait. Pour une telle scène, la costumière a reconstitué la robe du soir faite par Karl Lagerfeld pour Paloma Picasso en 1978. Une robe en satin rouge, couleur de prédilection de la jeune femme, très volumineuse qui faisait suite à la robe de jour Yves Saint Laurent.


Une reconstitution, presque à l’identique, qui démontre le soin apporté à la mode. Si les Puces de Saint-Ouen furent de petites pépites pour les personnages secondaires et figurants, rien n’a été chiné pour Karl. Pascaline Chavanne a été jusqu’à monter un atelier de fabrication avec une chef tailleur, Francesca Sartori et une chef d'atelier, Justine Vivien, pour les hommes et pour les femmes. Des doigts de fée qui ont confectionné du sur-mesure pour ces grands noms de la couture.


L’équipe des costumes a également eu la chance d’une très belle collaboration avec la maison Chloé, notamment avec Géraldine-Julie Sommier, directrice du patrimoine de la maison et son équipe. Avec un accès privilégié aux archives, notamment aux petits catalogues des défilés de cette époque et aux archives physiques. Les pièces étant trop fragiles, tout a été refabriqué, reproduit, réimprimé. Pour ainsi nous offrir un spectacle de toute beauté lors du premier défilé Chloé par Karl Lagerfeld.



Un travail titanesque, dont il faut donner le mérite à Pascaline Chavanne et son équipe, pour donner vie à des personnages qui ont révolutionné la mode, celle d'hier et d'aujourd'hui. Pour donner un nouveau regard sur leur vision, leurs luttes, leurs espoirs.


Leur héritage.

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